Avez-vous l’impression qu’on vous a poussé à vous occuper de vos parents ou de vos frères et sœurs alors que vous n’étiez encore qu’un enfant ? Que vous êtes devenu adulte avant d’être prêt à assumer ce rôle ?

Si vous acquiescez, c’est que vous avez peut-être été parentifié. Être un « petit parent » implique une responsabilité excessive ou une charge émotionnelle qui peut avoir un impact sur le développement de l’enfant.

Cela dit, il est important de se rappeler qu’une certaine responsabilité est une bonne chose. Aider un parent à l’occasion et au bon niveau aide l’enfant à croire en lui et en sa capacité à devenir un jour un adulte.

Examinons de plus près comment et quand la limite de la parentification est franchie.

Qu’est-ce que la parentification?

Dans l’ordre habituel des choses, les parents donnent et les enfants reçoivent. Oui, parfois – surtout au petit matin lorsque votre bébé fait ses dents – le don peut sembler interminable.

Mais en général, les parents sont censés donner à leurs enfants un amour inconditionnel et s’occuper de leurs besoins physiques (nourriture, logement, structure quotidienne). Les enfants en sécurité émotionnelle dont les besoins physiques sont satisfaits sont alors libres de concentrer leur énergie sur la croissance, l’apprentissage et la maturation.

Cette situation est parfois inversée.

Au lieu de donner à son enfant, le parent lui prend ce qu’il lui donne. Dans cette inversion des rôles, le parent peut reléguer des tâches à l’enfant. Dans un cas comme dans l’autre, l’enfant apprend que c’est en assumant les tâches du parent qu’il peut rester proche de lui.

Les enfants sont assez résistants. Nous avons déjà dit qu’un certain niveau de responsabilité peut contribuer au développement de l’enfant, mais les recherches menées en 2020 vont plus loin. Les chercheurs suggèrent que la parentification peut parfois donner à l’enfant un sentiment d’efficacité personnelle, de compétence et d’autres avantages positifs.

Il semble que lorsqu’un enfant a une perception positive de la personne dont il s’occupe et des responsabilités qui accompagnent le rôle de soignant, il développe une image positive de lui-même et un sentiment d’estime de soi. (Notez que ce n’est pas une raison pour poursuivre ou justifier la parentification.)

Comment et pourquoi les enfants sont parentifiés

Tous les parents ne sont pas en mesure de répondre aux besoins physiques et émotionnels de leurs enfants. Dans certaines familles, l’enfant assume le rôle de soignant afin que la famille continue à fonctionner dans son ensemble.

La parentification peut se produire lorsqu’un parent présente une déficience physique ou émotionnelle, comme dans les cas suivants:

  • Le parent a été négligé ou maltraité pendant son enfance.
  • Le parent a un problème de santé mentale.
  • Le parent a un trouble lié à la consommation d’alcool ou de substances psychoactives.
  • Le parent ou un frère ou une sœur est handicapé ou souffre d’une maladie grave.

La parentalisation peut également se produire lorsque la vie nous réserve des surprises, comme :

  • Les parents sont divorcés ou l’un d’entre eux est décédé.
  • Les parents sont des immigrants et ont des difficultés à s’intégrer dans la société.
  • La famille connaît des difficultés financières.
Parentification instrumentale contre parentification émotionnelle

Il existe deux types de parentification : instrumentale et émotionnelle.

La parentification instrumentale

La parentification instrumentale se produit lorsque les parents confient à leur enfant des responsabilités qui ne sont pas adaptées à son âge.

Il peut s’agir de tâches telles que faire les courses hebdomadaires, payer les factures, préparer les repas pour la famille ou s’occuper d’un frère ou d’une sœur malade.

Toutefois, n’oubliez pas que le fait de demander à votre enfant de 10 ans de laver la vaisselle du petit-déjeuner ne signifie pas que vous vous engagez dans une parentification instrumentale – vous renforcez sa confiance en ses propres capacités d’une manière adaptée à son âge (et utile !).

La parentification émotionnelle

La parentification émotionnelle se produit lorsqu’un enfant prend le relais pour répondre aux besoins émotionnels spécifiques du parent. On attend de l’enfant qu’il comprenne les besoins émotionnels du parent, qu’il réponde à ces besoins et qu’il apporte son soutien. Au lieu d’essayer de réconforter l’enfant, le parent se plaint du stress de sa vie qui ne lui laisse pas le temps de réfléchir. L’enfant réagit en étouffant sa douleur et en essayant de soutenir son parent.

La parentification émotionnelle va souvent de pair avec la parentification instrumentale. Elle peut être plus destructrice pour le développement de l’enfant que la parentification instrumentale.

Focalisation sur le parent ou sur la fratrie

Parfois, la parentification est centrée sur la fratrie. Cela signifie qu’un enfant devient le principal soignant d’un frère ou d’une sœur malade ou handicapé(e).

Par exemple, cela peut se produire lorsqu’un enfant s’occupe d’un frère ou d’une sœur atteint(e) d’un trouble du spectre autistique (TSA) ou lorsqu’un frère ou une sœur souffre d’une maladie chronique.

Une étude de 2016 a révélé que la parentification axée sur les parents est plus susceptible d’entraîner du stress. La parentification centrée sur la fratrie peut également être source de stress, mais elle peut aussi comporter les avantages d’une relation positive entre frères et sœurs.

Symptômes qu’un enfant parentifié peut présenter

Lorsqu’un enfant est parentifié, différents niveaux de blessure se développent en fonction du degré de parentification.

Certains symptômes possibles chez un jeune enfant comprennent :

  • Stress et anxiété. Une responsabilité constante dépassant ce qu’un enfant est capable de gérer peut entraîner du stress et de l’anxiété.
  • Symptômes physiques.</Un enfant peut se plaindre de maux d’estomac ou de tête qui n’ont pas de source connue.
  • Comportement perturbateur. Un comportement agressif, des difficultés scolaires et des défis sociaux peuvent se manifester.
  • Développement ralenti.</Les enfants peuvent être réticents à prendre part aux activités de leurs pairs et peuvent même ne pas aimer jouer.

À l’adolescence, les symptômes peuvent se manifester comme suit :

  • Incapacité de se connecter à ses propres sentiments. Un enfant parentifié apprend à ignorer ses propres sentiments. Il comprend que s’il veut se sentir proche de son parent, il doit assumer des tâches d’adulte. En faisant passer les besoins du parent avant les siens, l’adolescent perd la capacité d’exprimer ses sentiments.
  • Culpabilisation et culpabilité. N’ayant personne pour valider ses sentiments, l’adolescent parentifié peut se culpabiliser et douter de lui-même.
  • Perte de l’enfance. Le sentiment d’avoir perdu son enfance peut mener à des sentiments de colère et de dépression.
  • La consommation de substances psychoactives. Les adolescents peuvent apprendre à s’automédicamenter pour tenter d’atténuer les émotions désagréables qu’ils ressentent.
Les effets à long terme de la parentification

Les adultes qui ont été parentifiés lorsqu’ils étaient enfants voudront peut-être savoir comment cela affecte leur vie. Examinons les difficultés, puis les avantages.

Les difficultés

Les relations

L’établissement d’une relation avec la personne qui s’occupe principalement de l’enfant est une tâche essentielle dans le développement de l’enfant. C’est ce que l’on appelle l’attachement.

Un attachement sûr avec la personne qui s’occupe de l’enfant donne à ce dernier un sentiment de sécurité, de bien-être et d’estime de soi. Une relation positive fournit également un modèle de travail interne pour les relations futures.

La parentification peut conduire à un attachement insécurisant qui, à son tour, peut affecter négativement les relations futures.

En tant qu’adulte, un enfant parentifié peut avoir des difficultés à faire confiance aux autres et préférer être autonome. Il peut s’engager dans des relations malsaines et assumer un rôle de soignant même s’il ne le souhaite pas, car c’est le rôle qu’il sait jouer. Ils peuvent s’inquiéter d’être abandonnés.

Des recherches menées en 2019 suggèrent que la parentification peut être intergénérationnelle. Cela signifie que les effets se répercutent sur la génération suivante.

Elle peut affecter les compétences parentales et rendre les parents moins réceptifs aux besoins de leurs enfants. Les enfants deviennent alors des bambins moins dociles. Les adultes qui ont été parentifiés peuvent essayer de compenser les pertes subies pendant leur enfance en demandant à leurs propres enfants de combler leurs besoins émotionnels.

Santé physique et mentale

Selon une étude de 2018, le fait d’avoir vécu des expériences négatives pendant l’enfance augmente la probabilité de développer des problèmes de santé mentale et physique.

Avantages

La parentification peut avoir ses avantages, bien que ceux-ci représentent bien sûr une lueur d’espoir plutôt qu’une justification.

Par exemple, si vous avez été identifié comme parent dans votre enfance et que vous avez perçu la relation comme positive – et si vos efforts ont été récompensés d’une manière ou d’une autre – vous pouvez trouver que le fait d’être un aidant vous a donné une dose supplémentaire d’empathie qui vous aide à construire des relations solides.

Vous pouvez avoir une bonne idée de qui vous êtes et de vos points forts. Et si vous vous êtes occupé de votre frère ou de votre sœur, vous avez peut-être un ami et une proximité particulière pour la vie.

Comment éviter de franchir la ligne de la parentification de votre propre enfant

La parentification pouvant être intergénérationnelle, que pouvez-vous faire pour briser le schéma ?

La première étape est la prise de conscience. N’est-il pas tellement plus facile et confortable de suivre les modèles qui peuvent être ancrés en nous ? Bravo pour avoir reconnu la nécessité de changer.

La deuxième étape consiste à définir les frontières. Qui est responsable de quoi ? Il est normal que votre enfant aide à la maison et s’occupe de ses frères et sœurs, mais cette responsabilité ne doit pas avoir d’incidence sur sa santé physique et mentale, son travail scolaire ou ses relations sociales.

Il est également normal que votre enfant vous voie triste ou contrarié(e). Vous pouvez parler de vos sentiments et cela aidera même votre enfant à prendre conscience de ses propres émotions. Mais votre enfant ne doit pas se sentir responsable de vos sentiments.

Guérison de la parentification

Vous êtes prêt à guérir et à aller de l’avant, mais tous les enfants parentifiés n’ont pas besoin d’un traitement. Vous vous souvenez de ces avantages ?

Mais si vous souffrez d’anxiété ou de dépression, il peut être utile de consulter un professionnel de la santé mentale. La thérapie cognitivo-comportementale (TCC) peut vous aider à modifier vos schémas de pensée et vos sentiments à l’égard de vous-même.

Essayez d’entrer en contact avec votre enfant intérieur – l’enfant que vous avez déjà été. En écoutant cette jeune voix à l’intérieur de vous, vous pouvez donner à votre enfant intérieur les choses que vous n’avez pas obtenues dans votre passé.

Ces exercices peuvent vous aider:

  • Gardez une photo de vous enfant à portée de main et regardez-la.
  • Parlez à votre enfant intérieur comme vous le feriez avec un ami. Formulez un dialogue.
  • Écrivez une lettre à votre enfant intérieur.
L’essentiel

La parentification va à l’encontre des rôles parent-enfant auxquels nous nous attendons habituellement. Cette inversion des rôles peut avoir des conséquences douloureuses à court et à long terme, mais des professionnels de la santé mentale et des groupes de soutien peuvent vous aider.

En même temps, si vous avez été parentifié pendant votre enfance, sachez que cela vous a peut-être donné l’occasion involontaire de développer les qualités que vous appréciez le plus chez vous, telles que l’empathie et la compassion.