En général, l’empathie est une qualité enviable : la capacité à comprendre et à s’identifier aux sentiments d’autrui est essentielle à l’établissement de relations solides. Bien que certaines personnes soient naturellement plus empathiques que d’autres, il est également possible pour ceux qui en sont dépourvus de devenir plus empathiques grâce à des exercices de développement de l’empathie tels que poser des questions ouvertes et s’intéresser à la vie du point de vue d’une autre personne. Il s’agit là d’un effort louable.
Mais est-il possible d’être ou de devenir trop empathique ? Il s’avère que c’est l’un des scénarios où il peut y avoir trop d’une bonne chose. L’hyperempathie, ou syndrome d’hyper empathie, consiste à être tellement empathique que l’on incarne les émotions des autres avec la même force ou la même ampleur que ses propres émotions, au point de ne plus savoir ce qui est à eux et ce qui est à vous.
Étant donné que nous avons tous une capacité limitée pour ce qui est du nombre de choses qu’il est possible de ressentir en même temps, une telle tendance peut rapidement conduire à un débordement émotionnel, annulant ainsi les avantages que l’on pourrait attendre d’une attitude empathique.
CHAPITRES
ToggleQu’est-ce que l’hyperempathie ?
Comme tout autre sentiment, la capacité d’empathie existe sur un continuum. Si, à une extrémité du spectre, on trouve des personnes qui ont vraiment du mal à ressentir de l’empathie pour les autres, les personnes hyper-empathiques se situent à l’autre extrémité, explique Lorenzo Norris, professeur agrégé de psychiatrie et de sciences du comportement à l’école de médecine et de sciences de la santé George Washington.
De cette façon, il y a aussi beaucoup de chevauchement entre les personnes souffrant du syndrome d’hyper empathie et les vrais empathes, qui ne représentent qu’une infime partie de la population (entre un et deux pour cent selon les estimations) et dont on pense qu’ils ont la capacité de ressentir physiquement ce qu’une autre personne ressent.
Sur le plan émotionnel, les vrais empathes et les personnes souffrant d’hyper empathie prennent les sentiments des autres pour les leurs, alors que les personnes empathiques (mais n’appartenant à aucun des camps ci-dessus) peuvent faire la différence entre leurs sentiments et ceux d’autrui, et identifier quand elles ressentent l’un ou l’autre de ces sentiments.
Bien que la capacité à être en phase avec les émotions de quelqu’un d’autre puisse sembler un superpouvoir – et qu’elle puisse certainement permettre une vulnérabilité et une intimité de niveau supérieur – le problème réside dans l’incapacité de l’hyperempathe à se dissocier des émotions de l’autre personne ou à s’en détacher lorsqu’il serait plus sain de le faire.
Non seulement il ressent votre émotion, mais il la ressent si fortement qu’elle peut rester en lui [trop longtemps] ou l’amener à perdre de vue ses propres émotions ou à se fixer des limites saines.
Comment savoir si on est hyper empathique ?
L’empathie est une qualité humaine précieuse, permettant de comprendre et de partager les émotions des autres. Cependant, pour certains, cette capacité va bien au-delà de la norme, et voici les signes courants pour distinguer cet état.
1. Mauvaise perception de soi
Étant donné qu’une personne souffrant d’hyper empathie ne peut pas facilement faire la différence, voire pas du tout, entre ses émotions et celles des autres, elle peut aussi avoir une vision floue de sa propre identité au sens large. Vous avez peut-être du mal à identifier ce qui vous rend heureux, mais vous pouvez très bien identifier ce qui rend quelqu’un d’autre heureux.
Cela peut engendrer des comportements de dépendance dans les relations et les amitiés. En l’absence de quelqu’un d’autre, une personne hyperempathique peut se rendre compte qu’elle ne sait pas ce qu’elle veut manger, où elle veut aller ou ce qu’elle veut faire, mais elle peut dire « Je sais ce que cette autre personne voudrait ». Parce qu’ils ont du mal à cerner leurs propres besoins et désirs, il y a de fortes chances qu’ils ne soient pas pris en compte ou satisfaits, ce qui peut engendrer du ressentiment à long terme.
2. Des limites limitées (voire inexistantes)
Une personne hyper empathique se sent presque intrinsèquement liée aux autres. Il n’y a pratiquement pas d’autonomie ou de séparation entre elles et leurs amis ou leur(s) partenaire(s). Par conséquent, elle a tendance à n’avoir aucune forme de limites et à changer volontiers ses propres plans pour le bien des autres, à dire « oui » à des demandes alors qu’elle n’en a pas la capacité émotionnelle ou physique, ou à se surmener d’une manière insoutenable.
3. Débordement émotionnel et sautes d’humeur
Le signe le plus flagrant du syndrome d’hyper empathie est sans doute le fait de se sentir presque constamment dans tous les états. La vie peut sembler si intense pour une personne dans cette situation parce qu’elle vit essentiellement tout ce que les gens autour d’elle vivent par le biais des émotions qui en résultent. Et cela peut être très difficile à gérer. Elle peut même en arriver à un point où tout est si chaotique qu’elle commence à s’isoler.
Les choses peuvent encore faire boule de neige lorsque les autres réagissent négativement à la personne hyperempathique. Les amis et les membres de la famille peuvent résister au besoin excessif d’empathie de cette personne, ce qui conduit la personne hyper-empathique à se mettre en colère ou à éprouver du ressentiment.
C’est une nouvelle série d’émotions potentielles à gérer pour la personne submergée d’émotions. L’empathique peut se sentir déçu que ses proches ne soient pas enthousiasmés par ses efforts pour l’aider [à supporter la charge émotionnelle]. Il se dit : « Je veux te donner tout ce qu’il faut, pourquoi ne veux-tu pas de mon soutien ? ». Alors qu’en réalité, l’autre personne essaie simplement de surmonter ses propres émotions.
Comment peut se manifester l’hypersensibilité : 5 formes courantes
L’hyperempathie peut prendre différentes formes, car elle est influencée par de nombreux facteurs individuels, notamment la personnalité, l’environnement, et l’histoire de vie de chaque personne. Voici quelques formes d’hyperempathie courantes :
Hyperempathie intuitive
L’hyperempathie intuitive est un terme qui combine deux concepts : l’hyperempathie et l’intuition. L’hyperempathie se réfère à une sensibilité émotionnelle intense, tandis que l’intuition fait référence à la capacité à comprendre ou ressentir des choses sans recourir à un raisonnement logique ou à des informations tangibles.
Ainsi, l’hyperempathie intuitive pourrait décrire une personne qui ressent les émotions des autres de manière très intense et qui utilise également son intuition pour comprendre les émotions, les besoins ou les intentions des autres. Cela peut être un atout dans les relations interpersonnelles, car cela peut aider à établir des connexions plus profondes et à détecter les sentiments non exprimés des autres.
Hyperempathie émotionnelle
C’est la forme la plus fréquemment évoquée, où une personne ressent les émotions des autres de manière intense. Cela peut inclure la joie, la tristesse, la colère, la peur, et d’autres émotions.
Hyperempathie physique
Certains individus hypersensibles ressentent physiquement la douleur ou les sensations physiques des autres, parfois appelée « sympathie physique ». Cela peut se manifester, par exemple, en ressentant la douleur d’une personne blessée.
Hyperempathie cognitive
Cela concerne la capacité à comprendre et à « lire » les pensées, les intentions et les besoins des autres sans que cela soit explicitement exprimé. C’est souvent associé à une grande intuition.
Hyperempathie environnementale
Cette forme d’hyperempathie concerne la sensibilité aux environnements, aux lieux, et aux atmosphères. Les personnes qui en sont atteintes peuvent ressentir l’énergie d’un lieu ou d’une situation de manière prononcée.
Hyper empathie et intelligence : existe-t-il un lien entre les deux ?
L’hyperempathie et l’intelligence ne sont pas directement liées, mais elles peuvent coexister chez une personne. L’intelligence peut se manifester de diverses manières, notamment dans la capacité à comprendre, analyser, et résoudre des problèmes. De même, l’empathie, y compris l’hyperempathie, concerne la compréhension et la gestion des émotions, tant les siennes que celles des autres.
Certaines personnes hypersensibles et empathiques peuvent avoir une grande intelligence émotionnelle, ce qui signifie qu’elles sont douées pour comprendre et interagir avec les émotions des autres. Cela peut être un atout précieux dans des domaines tels que les relations interpersonnelles, la psychologie, les soins de santé, et d’autres carrières qui nécessitent une compréhension approfondie des émotions humaines.
Cependant, il est important de noter que l’intelligence et l’empathie sont des traits distincts. Certaines personnes peuvent être hautement intelligentes mais moins empathiques, tandis que d’autres peuvent être très empathiques sans nécessairement avoir un quotient intellectuel exceptionnel. Le lien entre les deux dépend davantage de la manière dont ces traits se manifestent et sont utilisés par une personne dans sa vie quotidienne et sa carrière.
Symptômes du syndrome d’hyper empathie
Bien que l’empathie soit généralement considérée comme une qualité précieuse, l’hyper empathie peut avoir des effets profonds sur la vie d’une personne. Voici quelques-uns des effets du syndrome d’hyper empathie :
Sur la personne qui en fait l’expérience
Bien qu’il soit important et sain de ressentir ses émotions, une personne hyperempathique peut rester dans ses émotions pendant une période excessivement longue et être incapable de les évacuer, ce qui peut s’avérer stressant et perturbant.
Tout état émotionnel figé n’est pas forcément une bonne chose, qu’il s’agisse de la tristesse, de la colère ou même du bonheur. Cependant, les émotions négatives, en particulier, peuvent avoir des effets néfastes sur le corps et l’esprit si elles sont maintenues pendant de longues périodes.
Par exemple, une personne en colère pendant une période prolongée (y compris une personne qui assume avec empathie la colère de quelqu’un d’autre) continuera à subir la réaction de stress de son corps face à une telle émotion ; cela inclut un pic de l’hormone cortisol qui peut déclencher des symptômes physiques tels que l’accélération du rythme cardiaque et l’essoufflement.
Il est épuisant d’être en colère pendant une longue période et cela a un effet très réel : vous serez probablement plus agressif envers votre entourage, vous commencerez peut-être à perdre votre concentration et vous ne dormirez peut-être pas bien.
La capacité à sortir facilement de la colère (ou de la tristesse ou de la joie) est un élément clé d’une régulation émotionnelle saine, et l’hyperempathie rend cette tâche beaucoup plus difficile.
Sur l’entourage
Une personne atteinte du syndrome d’hyperempathie peut, par inadvertance, faire tomber les limites des autres en raison de sa tendance à assumer pleinement l’état émotionnel d’autrui. C’est un peu comme si elle se glissait constamment dans l’expérience d’une autre personne, même si elle n’a pas été invitée à le faire, explicitement ou non.
Cela peut avoir pour effet d’empêcher l’autre personne d’incarner et d’éprouver ses propres émotions, ce qui lui donne l’impression que son autonomie est bafouée, ce qui peut être blessant ou dérangeant. En conséquence, elle peut tenter d’exprimer ou de renforcer ses propres limites, ce qui peut conduire la personne hyper-empathique à se sentir indésirable ou rejetée. Le conflit qui s’ensuit peut alors l’éloigner des autres.
Comment gérer l’hyperempathie ?
Si vous identifiez chez vous ces signes ou effets de l’hyperempathie, il est important d’apprendre à séparer vos propres émotions et sentiments de ceux des autres. Pour ce faire, on recommande de travailler avec un professionnel de la santé mentale. Ce n’est pas quelque chose qu’il faut laisser sans traitement, car vous pourriez finir par vous sentir émotionnellement agité en permanence ou par vous isoler parce que l’expérience de l’énergie des autres est si intense pour vous.
Vous pouvez notamment rechercher un thérapeute qui pratique la thérapie comportementale dialectique, qui s’adresse spécifiquement aux personnes qui éprouvent des émotions intenses. Une partie de ce travail consiste à apprendre à respecter les limites des autres et à établir vos propres limites en fonction de vos valeurs.
Il est essentiel de comprendre que ce n’est pas parce que vous pouvez ressentir profondément les émotions d’une autre personne qu’il est toujours sain ou utile pour vous de le faire, que ce soit pour vous ou pour cette personne (ou pour les deux).
Soigner l’hyperempathie : est-ce possible ?
L’hyperempathie, souvent considérée comme une sensibilité émotionnelle intense, n’est pas une condition médicale à proprement parler, et par conséquent, elle ne peut pas être « soignée » de la manière dont on traiterait une maladie.
Cependant, il est possible d’apprendre à gérer et à canaliser cette sensibilité pour en faire une force plutôt qu’un fardeau. Cela implique de développer des stratégies pour établir des limites émotionnelles, pratiquer l’auto-soin, acquérir une meilleure compréhension de soi, et trouver un équilibre entre l’empathie envers les autres et la préservation de son propre bien-être.
Trouver un soutien social, que ce soit auprès d’amis, de la famille ou de professionnels de la santé mentale, peut également s’avérer précieux. Il est important de reconnaître que l’hyperempathie, bien que parfois complexe à gérer, peut être un atout précieux dans certaines carrières et dans la vie personnelle, permettant une meilleure compréhension des émotions et une connexion profonde avec les autres.
Quel métier faire quand on est hypersensible ?
Lorsqu’on est hypersensible, le choix d’une carrière peut être crucial pour s’épanouir professionnellement et émotionnellement. Les métiers qui mettent en avant la compréhension des émotions, l’empathie, et la créativité sont souvent bien adaptés aux personnes hypersensibles.
Les carrières dans les domaines du conseil, de la psychologie, de l’art, de l’éducation, du travail social, et des métiers de la santé offrent des opportunités pour mettre en valeur ces atouts. De plus, envisager une carrière en tant qu’indépendant ou entrepreneur peut permettre de personnaliser son environnement de travail pour mieux gérer les stimuli émotionnels, créant ainsi un équilibre entre passion professionnelle et bien-être personnel.
L’essentiel est de reconnaître ses forces et ses limites en tant que personne hypersensible, et de choisir une carrière qui permette de s’épanouir en mettant en avant ces qualités uniques.
Conclusion
Alors que l’empathie est une qualité précieuse qui favorise la connexion humaine, l’hyperempathie peut être à double tranchant, apportant à la fois des avantages et des défis profonds dans la vie de ceux qui la vivent.
Il est essentiel de comprendre que l’hyperempathie n’est pas une maladie, mais une variation naturelle de la sensibilité émotionnelle. Cependant, pour ceux qui la ressentent intensément, il est crucial de trouver un équilibre pour préserver leur bien-être émotionnel.
L’apprentissage de la gestion des limites, l’auto-soin et la recherche de soutien sont autant d’outils qui peuvent aider les hyperempathes à prospérer dans un monde souvent turbulent et émotionnel. En utilisant leur don pour renforcer les relations, encourager la compassion et favoriser la compréhension mutuelle, les hyperempathes peuvent non seulement s’épanouir eux-mêmes, mais également apporter une contribution précieuse à la société.
La clé réside dans la conscience de soi, l’acceptation de sa propre sensibilité et la capacité à utiliser ce don avec sagesse. L’hyperempathie, lorsqu’elle est canalisée de manière positive, peut devenir un atout puissant, non seulement pour soi, mais pour le monde qui nous entoure. C’est un rappel puissant de la profondeur de la connexion humaine et de la richesse de la diversité émotionnelle qui fait de notre monde un endroit complexe et fascinant.